Un sujet réalisé avec Carine Jeanton, conseillère musicale.
La musique peut être un formidable outil pour entraîner l’oreille en affinant l’acuité auditive. C’est alors que le sens de l’ouïe se décuple grâce à la finesse de la perception sonore et les associations émotionnelles rendues possibles. Les potentiels deviennent autres. Aujourd’hui deux courants s’affrontent : les afficionados de la musique compressée et ceux de la musique non compressée. Mais à la source, les uns comme les autres recherchent les sensations. Comment l’oreille réagit-elle face à ces types de qualité sonore ? Comment nos potentiels sont-ils développés ?
La musique compressée fait majoritairement partie du panel sonore proposé actuellement. Qu’elle soit écoutée à la télévision, à la radio, sur le smartphone, la source sonore est à la fois travaillée en compression dynamique et en compression de données.
La compression de donnée permet d’alléger le poids des fichiers. L’objectif recherché est d’accélérer la vitesse de téléchargement. Le principe est simple : plus le poids est léger et plus le flux de téléchargement est rapide. Il est alors choisi de garder les basses fréquences en mono , car souvent centrales et de garder enlever la stéréo sur les autres fréquences. Au final, le processus réduit la richesse des harmoniques et du timbre. Les variations musicales et la stéréo sont aplaties, linéarisées.
A la compression de données s’ajoute la compression dynamique dans le but de créer une sensation émotionnelle. Celle-ci n’est plus activée par une génération d’émotions stimulées par la modulation des fréquences, par les harmoniques, mais par la puissance sonore. La compression dynamique vise à réduire les écarts entre les sons les forts et les sons les plus faibles pour réduire les nuances. Les micro-silences disparaissent. Par l’intensité générée, on passe au-dessus du bruit et on touche les auditeurs. L’avantage est alors de tout entendre. Grâce à l’effet «Loudness», on obtient un son qui paraît subjectivement plus fort lors d'une écoute à bas volume pour finalement moins de puissance émotionnelle et musicale. Son principe consiste à compenser le fait que l'oreille humaine est moins sensible dans les graves et les aigus à faible niveau sonore.
Et l’oreille dans tout cela ?
Ainsi, l’oreille est habituée à être stimulée sur les mêmes bandes de fréquence. Elle n’est pas mise en travail, au sens de l’entraînement pour développer la finesse de l’acuité auditive. Elle est stimulée par le travail d’intensité sonore amenant les publics à consommer du son « qui tape » avec des basses de plus en plus présentes. La pression acoustique génère une sollicitation puissante et rapide. En réduisant les micro-silences, l’oreille n’a pas d’espace de respiration, développe moins d’acuité fréquentielle et est soumise au stress continu. De même, le cerveau qui décode en permanence devient alors une machine et l’intensité des informations transmises empêche tout temps d’analyse par l’individu. Il peut donc apparaître un effet hypnotique, addictif, une surcharge mentale.
Tout ce qui est en streaming est compressé. Les musiques gaming sont intégrées en MP3 encodé ou du powerwawe en courant de 8 bits. Certaines plateformes de téléchargement maintiennent des sources HD. Il serait intéressant que l’enseignement de la musique au sein des collèges retrouve ses vertus d’éducation musicale. D’ailleurs, il est impressionnant de vérifier la différence de qualité des audiogrammes des individus à « l’oreille éduquée » comme il est aussi intéressant de vérifier que « l’oreille éduquée » permet de potentialiser la stimulation réalisée par les aides auditives lorsque l’équipement est nécessaire. Un choix individuel reste à opérer : souhaitons-nous être engourdis par la musique ou vivre le plaisir de la musique ? L’acuité auditive fait partie des potentiels à développer. Elle participe aussi à conserver sa liberté de penser et d’opérer des choix.